Si vous me dites que vous connaissez la relativité, j'élimine cette partie du cours, qui est clairement accessoire. Mais j'ai vu à ENSI, chez nos étudiants jusqu'au M2, et partout ailleurs, les gens qui mentionnent des "effets relativistes" dans plusieurs contextes [en particulier : GPS], et n'ont la moindre idée qu'est-ce que c'est, pourquoi, comment...
Le terme est devenu un slogan, et ceci n'est pas bien. En particulier la phrase "si un objet bouge vite, son temps local ralentit", est conceptuellement - telle quelle - fausse. On doit comprendre l'essentiel...
La précision de mesure des distances et du temps est devenue si importante, que la mécanique Galiléenne / Newtonienne ne suffisent pas, ceci est sûr et confirmé. Voici donc une introduction très simple (mais correcte, j'espère) à la théorie d'Einstein.
La prémisse fondamentale, datant de Galilée est : toutes lois de physique sont invariantes par rapport au choix d'un système inertiel quelconque. Point.
On y ajoute d'autres postulats, comme "la vitesse de lumière est constante (dans le vide)", mais c'est redondant : dans les lois d'electromagnétique, "c" EST une constante, dans les équations de Maxwell, ou d'Alembert (de propagation du champ EM dans le vide) :
$$
\left(\frac{\partial^2}{\partial x^2} + \frac{\partial^2}{\partial y^2} +
\frac{\partial^2}{\partial z^2} - \frac{1}{c^2} \frac{\partial^2}{\partial t^2} \right) \phi(x,y,z,t) = 0\,,
$$
il n'y a aucune possibilité de "varier" la vitesse de la lumière. Cela suffit pour engendrer des paradoxes. Imaginons une sphère vide [noire sur le dessin] dans l'espace, avec des horloges synchronisés placés là où nous le voulons.
Depuis le centre on émet deux faisceaux de lumière dans directions opposées, alors il est "évident" qu'ils arriveront simultanément aux récepteurs, un observateur verra le signal de confirmation à gauche et à droite en même moment.
Mais si la sphère ou cet observateur bouge, un récepteur s'éloigne, et l'autre s'approche (sphère bleue), les distances ne sont plus les mêmes, les signaux ne sont plus simultanés !
Simultanéité est relative, et dépend de l'observateur. Ceci n'est pas facile à comprendre intuitivement, mais avec les satellites GPS ce problème se pose en permanence.
La confirmation expérimentale de la constance de c est excellente (observations astronomiques, exériences avec l'interférence, par ex. celle de Michelson-Morley (1887), Brillet-Hall (1979), etc.)
L'observateur B se déplace par rapport à A. À un moment quelconque t (ici 1 unité) un signal part de A vers B, et arrive au moment k unités, \(k\cdot t\) en général. On connaît tous les paramètres du mouvement, et k en particulier, donc si un signal part au moment k, il arrive à \(k\cdot k\).
Mais si au moment k B envoie le signal vers A, la réception a lieu également à \(k\cdot k\). Sauf que ces moments sont différents ! Selon A, l'intervalle en B est plus long. Mais la situation est symétrique. B dira la même chose. L'essentiel ici est que la pente des lignes rouges ne dépend pas de l'observateur.
Une telle expérience est le principe de radar. Si A mesure le temps de son observation, et effectue les calculs, il conclura que le temps de réception de son premier signal par B est égal à \(t = (k\cdot k +1)/2\), à mi-chemin entre 1 et \(k\cdot k\). La distance de B sera \(D = c(k\cdot k -1)/2\). Donc, la vitesse de B est \(v = D/t = c(k\cdot k-1)/(k\cdot k+1)\).
Ceci donne \(k = \sqrt{\frac{1+v/c}{1-v/c}}\), la formule de Doppler relativiste. A conclura que la dilatation temporelle de B sera de \((1+k^2)/(2k) = \frac{1}{\sqrt{1-v^2/c^2}}\). Ceci devient singulier quand v s'approche de c. Ce facteur est typique dans plusieurs autres formules relativistes.
Ainsi on a les formules de contraction des distances, et si on ajoute un peu de dynamique, des formulas liant l'énergie à la vitesse : \(E = m\left(\frac{1}{\sqrt{1-v^2/c^2}} - 1\right)\).
Il n'y a rien de paradoxal dans ces calculs. Par contre, afin de mesurer l'effet global de la désynchronisation (éventuelle) des horloges, il faut qu'un des observateurs rejoint l'autre. Donc, si on considère A comme le "répère" immobile, et B part loin et revient, à un certain moment il doit accélérer, changer de direction, et il n'est plus inertiel (ou référentiel galiléen). Einstein a vu, que même si sa théorie concernait les systèmes inertiels dont la vitesse était constante, pour avoir l'image physique complet de la situation, il fallait ajouter l'accélération.
Et le déclic qui a contribué à engendrer la Théorie Générale de la Relativité, la théorie de Gravitation de 1916, s'est produit en toute indépendance de la gravitation...
Mais Einstein connaissait également des travaux fondamentaux de Eötvös...
Loránd Eötvös a vérifié que la masse inertielle, le coefficient dans la loi de dynamique de Newton : \(F = m a\), où \(F\) est la force, et \(a\) – accélération, est numériquement parfaitement égale dans la loi de gravitation, la force gravitationnelle entre deux corps est \(G \frac{M_0\cdot m}{r^2}\), où \(M_0\) est la masse de la source du champ gravitationnel. On a le coefficient G, la constante gravitationnelle \(G = 6.67384(80) \cdot 10^{-11} \mathrm{m}^3 \mathrm{kg}^{-1} \mathrm{s}^{-2}\), mais on a vérifié tous les matériaux, dans des contextes gravitationnels différents; cette constante est universelle. Il n'y avait aucune explication de ce phénomène, et même après la création de la GTR d'Einstein, plusieurs physiciens considèrent que c'est un mystère de l'Univers, que la masse inertielle et la masse pesante c'est la même quantité physique...
On pourrait imaginer une "charge gravitationnelle" séparé, comme la charge électrique.
Le raisonnement crucial de Einstein était : pour les répères inertiels, on a des transformations de Lorenz de l'espace-temps, facilement déductibles des expériences décrites ci-dessus. Si on ajoute l'accélération, les transformations deviennent non-linaires, les nouvelles coordonnées spatiales et temporelles sont distordues, les distances relativistes \(ds^2 = dx^2+dy^2+dz^2 - c^2 dt^2\) ne sont plus conservées, l'espace-temps peut avoir une courbure.
Alors la gravitation doit faire la même chose...
Courbure, non-linéarités, singularités mathématiques, tout ceci a fait que Einstein travaillait sur la nouvelle théorie presque 10 ans avant de stabiliser ses équations. Nous n'allons pas les mentionner. Mais très vite on a constaté que leurs solutions peuvent être dramatiques.
Par exemple, si dans les coordonnées polaires, la métrique de l'espace vide est celle dessus, \(ds^2 = dr^2 + r^2(d\theta^2 + \sin^2(\theta) d\phi^2 - c^2dt^2\), la présence d'un corps massif, par ex. une planète, à l'extérieur on obtient la distance dans l'espace-temps :
$$
ds^2 = \left(1 - \frac{r_s}{r}\right)^{-1}dr^2 + r^2(d\theta^2 + \sin^2(\theta) d\phi^2 - \left(1 - \frac{r_s}{r}\right)c^2dt^2\,.
$$
Le paramètre nommé le rayon de Schwarzschild : \(r_s = \frac{2GM}{c^2}\) est normalement petit, pour la Terre c'est 1 cm, pour le Soleil : 3 km. Il y a quelque chose de bizarre quand on s'approche à cette surface, mais cette "bizarrité" est bizarre elle-même...
Pour nous, dans le contexte d'analyse des relations spatio-temporelles autour de la Terre, il faut savoir que la force de gravitation est un peu plus forte que Newtonienne. Il faut aussi constater que les horloges ralentissent (par rapport aux observateurs extérieurs),quand on descent vers la source, et la gravitation augmente.
Ceci a été mesuré, et les corrections, même minimales, sont integrées dans les calculatrices GPS.
Supposons que la masse est cachée dans une zone SOUS le rayon de Schwarzschild, ce qui n'est pas vrai pour des astres normaux. C'est un trou noir, et ce rayon devient une sorte de horizon, on ne peut regarder ce que se trouve à l'intérieur.
Mais pour un objet qui tombe dedans, dans sa libre chute la gravitation localement disparaît, l'espace s'aplâtit, et l'objet peut passer le horizon sans observer quoi que ce soit. Dans les textes populaires, dans sci-fi on raconte toute sorte d'exoticités concernant cette chute dans un trou noir, et on ajoute que même la lumière ne peut plus en sortir. Cependant on oublie parfois (même un de mes profs de physique nucléaire ne le savait pas...), que du point de vue extérieur, d'un observateur lointain, l'objet qui tombe, ne passera jamais par l'horizon !
Son temps local ralentira jusqu'à l'arrêt total, et le temps pour arriver à l'intérieur est infini. Pour l'objet qui tombe il est fini. Il est à l'intérieur, et ... s'il se pose la question qu'est-ce passe-t-il à l'extérieur, ce n'est pas une bonne question. Le monde extérieur n'existe pas, c'est un autre domaine géométrique, déconnecté de la sienne.
Il ne faut pas prétendre que l'on soit capable de comprendre cette situation. Personne ne la "comprend"... à l'intérieur du trou noir, puisque les coefficients des \(dr^2, dt^2\) changent de signe, le rayon (fini) devient temporel, et le voyage se termine assez vite à la singularité \(r=0\), qui détruit tout, par contre, le temps devient spatial, et puisu'il n'est pas limité, le voyageur trouve à l'intérieur un volume infini, arbitrairement grand, un autre Univers.
On dessine les horizons des trous noirs, on les représente graphiquement, mais parfois on oublie que puisque la gravitation et l'accélération sont assimilées, on peut produire un horizon sans trous noirs.
Voici une "histoire" sous le titre : comment fuir d'un ennemi qui nous tire dessus avec un laser. Le laser tire des photons, qui se déplacent à la vitesse de lumière. Puisque c'est la valeur limite, on bougera toujours à une vitesse inférieure, la constatation est : on n'échappera pas...
Mais ceci est inexact. Supposons que nous accélérons sans arrêt, toujours. On augmente la vitesse, mais on n'arrivera jamais à c.
Cependant, si le tireur traîne, et dégaine trop tard, comme sur le dessin, son rayon ne nous attrapera pas, la lumière peut se trouver pas loin de notre position, mais toujours dans le futur, toujours "plus tard" et non pas "plus loin" !. C'est ça l'horizon des événements. Le tireur après son tir, et tout son monde, se trouve toujours plus tard.
L'intérieur du trou noir se trouve "dans le futur absolu", et dans cette perspective on comprend pourquoi rien de l'intérieur ne pourra nous rejoindre. L'horizon n'est pas une surface spatiale, une "membrane" ou autre charabia-vortex, mais elle est équivalente à la vitesse de la lumière, qui ne peut être atteinte.
Je voulais faire une digression conceptuellement intéressante, pas très utile dans le contexte de ce cours, mais importante pour la culture scientifique générale. On trouve partout trop de slogans et de fausses affirmations et interprétations.
Pour le GPS, même si les effets relativistes pour la géolocalisation via satellites ne peuvent être négligés, on introduit les corrections sans avoir besoin de résoudre des équations d'Einstein, et ses variantes. Ceci serait trop difficile et inutile.
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